Le temps d'une pluie

Voilà qu’il se met à pleuvoir tout à coup. Les trottoirs se mouillent peu à peu. Je me mets à marcher plus lentement. Ce n’est nullement pour éviter une subite glissade, mais mes pas se font plus doux et plus lents pour une raison qui m’est inconnue. Les parapluies font leur apparition. Les boutiquiers font rouler les stores imperméables sous lesquels quelques passants viennent s’abriter. Les vendeurs des trottoirs tirent les bâches en nylon transparent pour protéger leurs marchandises éphémères. C’est peut être ma nature triste qui me pousse à aimer cette atmosphère que beaucoup trouvent maussade. J’adore voir la nature jouer l’un de ses rôles les plus durs. Le gris du ciel et la pluie qui tombe exercent sur moi un charme terrible. Je m’extasie lorsqu’assis prêt d’une fenêtre d’un célèbre café de l’avenue Bourguiba, laissant de coté le journal pour me livrer à ce spectacle envoutant des passants sous la pluie. Je trouve particulièrement délicieux ces cris des femmes éclaboussées par des automobilistes un peu trop pressés. La pluie qui tombe est aussi un argument pour ces couples timides ou au début d’une relation de coller l’un à l’autre et de s’enlacer sous la coupe d’un parapluie ruisselant le temps d’un orage. Les moineaux terrifiés regagnent le dense feuillage vert des ficus de l’avenue en attendant l’éclaircie.