
Tu te diriges vers le débit de tabac le plus proche. Tu demandes tes « 20 Mars légères » au buraliste mal réveillé. Il te regarde en face et te demande si tu les veux premier ou deuxième choix. Tu réponds que tu veux les meilleures. Alors il te répond que celles-ci sont majorées de 300 millimes supplémentaires parce qu’on arrive plus à les trouver ces derniers jours. Tu les prends quand même sans discuter. Tu jettes un coup d’œil aux journaux accrochés. Rien de nouveau. Les titres sont presque tous les mêmes. Les photos aussi. Tu traverses la rue dans une épaisse fumée d’un bus mal entretenu qui doit consommer autant d’huile que de gasoil. Arrivé sur le trottoir en face tu t’aperçois que tu sens le cambouis. Une cigarette non allumée à la main tu entres dans le premier café de la rue Jamel Abdennacer. Le lieu n’a de café que le nom. Il ressemble plutôt à un couloir. A peine large de deux mètres que les clients doivent inévitablement se frotter et se toucher au moindre mouvement. Tu te dis qu’il a du servir comme entrée d’immeuble au début du siècle écoulé. A gauche, derrière un comptoir aux faïences à la propreté douteuse se tiennent deux jeunes hommes.
Tous deux en t-shirt demi manches rouge bordeaux crasseux portant une sérigraphie faisant la réclame d’une marque prestigieuse de café. L’un d’eux s’avance vers toi les mains encore ruisselantes d’eau et te demande ce qu’il peut bien te servir. Tu réponds : un express. Il se retourne vers la vielle machine. Au bout de quelques instants il met devant toi un verre aussi douteux que son t-shirt à moitié plein de ce breuvage à la couleur ni noire ni marron, ni rouille… Tu prends un morceau de sucre tu le jettes dedans. Dans une boite en plastique tout près du sucre il y a des cuillers en aluminium. Tu en prends une et doucement tu te mets à remuer ce liquide qui décide enfin à prendre sa couleur originelle, en regardant de vielles photos de joueurs et d’équipes de football qui ont pris autant de temps que de chiures de mouches. Tu vides le contenu du verre sans chercher à comprendre sa composition. Tu jettes quelques pièces sur le marbre du comptoir mouillé et tu sors rapidement.
Il est vrai que l'habitude est une seconde nature,heureusement aussi qu'il nous reste la possibilité de choisir son "café"
RépondreSupprimerQuelle ambiance!
RépondreSupprimerLe quotidien d'un Monsieur "je n'exige rien", "je passe, c'est tout", que même un odieux café n'arrive pas à réveiller... Au secours, où est la sortie ?!
RépondreSupprimerSuperbe description, on visualise chaque détail tellement il nous est familier et bien rendu dans ton texte !
C'est avec plaisir que j'ai lu ce texte même s'il me fait penser à mon dernier ouvrage "journal d'un citoyen ordinaire"...
RépondreSupprimerBone continuation et merci pour ce plaisir matinal
@ Moghrama: oui mais il faut aller très loin le chercher ce café!
RépondreSupprimer@ Khanouff: il y a pire! :))
@Mad Djerba : la médiocrité ouvre les yeux!
@Khayati: merci d'être passé . C'est un plaisir de lire ton commentaire. Je ne manquerai pas de lire ton livre. Promis!